La glace et le ciel
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Le 21 octobre 2015, sortira sur les écrans le nouveau film de Luc Jacquet consacré à la vie de Claude Lorius, glaciologue. Luc Jacquet met en scène l’aventure de Claude Lorius, parti en 1957 étudier les glaces de l’Antarctique. Il nous raconte l’histoire d’une vie extraordinaire de science et d’aventure, consacrée à percer au plus profond des glaces de l’Antarctique les secrets bien gardés du climat.
L’histoire d’un homme, l’épopée des sciences du climat
« Une courbe en rouge sur l’écran. Elle se matérialise en oscillant doucement, survolant les milliers d’années qui forment sa graduation horizontale, obstinée, capricieuse, comme la trace bleue d’un électrocardiogramme. Sa naissance à gauche naît sur la ligne du million d’années, on devine qu’elle va vers le présent. J’imagine un stéthoscope sur une cage thoracique, le bruit d’un cœur, la pulsation sourde de la terre, organique, troublante. Le tracé de la courbe progresse toujours quand vers le cap du 20eme siècle, elle commence à quitter son erre, à grimper. La ligne s’envole soudain privée de gravité, de mesure, une course folle à la trajectoire de fusée qui quitte la raison du monde pour embarquer avec elle l’humanité qui regarde médusée cette trajectoire inconnue. Où va-t-on ?
Claude Lorius regarde l’auditoire droit dans les yeux. Combien de fois a-t-il commenté cette courbe, « sa » courbe, cette ligne qui résume tout, qui se confond avec sa vie. La courbe du C02 qui annonce celle de réchauffement climatique, la courbe de l’empreinte de l’homme sur le climat. Une courbe qu’il a trouvé cachée au plus intime des glaces de l’Antarctique à une époque où la planète était encore un terrain de jeu infini et résilient, capable d’absoudre toutes les extravagances de l’industrie humaine. C’était avant, avant que l’on découvre la finitude du radeau terrestre, sa fragilité, avant que Claude ne découvre qu’il y avait dans la glace les archives du climat et en creux, la preuve formelle de notre impact récent sur le devenir de notre monde.
J’ai eu envie de faire le portrait sensible de cet homme superbe, qui a tracé son chemin dans les glaces bien avant que je ne les découvre. Nous partageons des mots, des images, cet amour déraisonnable pour l’Antarctique, ce balcon du monde où nous avons l’un et l’autre pris naissance en humanité. Après une conférence, il m’a demandé de faire un film autour du grand combat de sa vie, le climat. Je ne peux séparer l’homme du savoir qu’il a contribué à faire naître. Son témoignage est indispensable. Dans l’histoire de sa carrière de scientifique, il y a l’histoire d’une prise de conscience, un bouleversement de notre rapport au monde. »
Luc Jacquet
