Dictionnaire amoureux des explorateurs

Michel Le Bris
mardi 8 juin 2010
par  CEPP
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- Date de publication : 12 mai 2010
- Editeur : Plon
- Collection : Dictionnaire amoureux
- ISBN : 978-2-259-20238-1
- Nombre de pages : 1024
- Dimensions : 13,5 x 20 cm
- Prix : 27 euros

4ème de couverture

Que cherchaient-ils, ceux-là qui, au fil des siècles, se risquèrent par-delà l’horizon ? Face à l’inconnu, il est deux attitudes qui séparent ceux que l’on rassemble sous le seul nom d’explorateurs : ceux qui le traquent pour l’éradiquer, comme s’ils lui en voulaient, et devant l’obscur d’une forêt calculent déjà les stères de bois qu’ils y débiteront, et puis ceux qui s’y enfoncent dans l’espoir de s’y perdre et que « Tailleurs » promis ne se transforme pas en un nouvel « ici ». On aura compris vers lesquels vont mes préférences...

Voici donc quelques-uns des songe-creux, forbans, risque-tout, rêveurs de royaume, escrocs chimériques qui m’ont accompagnés depuis l’enfance, porteurs d’histoires héroïques, bouleversantes, hilarantes - comme Rob Roy MacGregor qui réussit l’exploit de descendre le canal de Suez en canoë un an avant qu’il soit ouvert, Mary Kingsley, tenante du « christianisme athlétique » qui attaquait les crocodiles à coup d’ombrelle, James Holman et Jacques Arago, assurément les plus grands voyageurs aveugles, Percy Fawcett traquant le secret des Atlantes en pleine Amazonie, ou l’immense Richard Burton, dont le rire satanique nous fascine encore...

Michel Le Bris, écrivain, philosophe, éditeur, est passionné depuis l’enfance par les grands espaces, les voyages et les aventuriers, comme en témoignent ses romans, La Porte d’Or, Les Flibustiers de la Sonore, ou La Beauté du monde, finaliste du Prix Goncourt 2008. Spécialiste mondialement reconnu de Robert-Louis Stevenson, il est le fondateur du festival Etonnants Voyageurs.

Extrait de la préface

Enfant, je courais de rocher en rocher sur le rivage comme si je voulais suivre les cargos qui sortaient de la baie de Morlaix, pour disparaître au loin. Je restais là, désespéré : un jour, oui, un jour, moi aussi je m’en irais ! Là-bas, derrière la ligne d’horizon, il y avait des mondes...
Lesquels ? Au moins ceux que je retrouvais dans le grenier de ma maison, le nez plongé dans le Journal des voyages, aux gravures terrifiantes et mystérieuses, voyageurs empalés sur des bambous effilés par de sournois Annamites, ou alors plongés vifs dans un chaudron, au milieu de sauvages hilares, quand ils avaient échappé par miracle aux crocodiles ou n’avaient pas péri étouffés par un boa constrictor : j’aurais dû fuir -j’y revenais sans cesse. Oui, moi aussi, un jour, j’irais dans ces pays aux mille merveilles !

La prolifération de ces récits prouvait au moins que je n’étais pas seul à être quelque peu dérangé : le plus grand mystère ici-bas n’est-il pas cette conviction obstinée que nous ne sommes pas d’ici ? Depuis l’aube de l’humanité, un murmure effaré, charriant en tumulte mythes, récits, légendes, précipite notre marche, nous presse sans relâche, comme s’il y allait de notre survie de ne pas nous arrêter : un jour, et ce jour fut au commencement même de l’Histoire, nous avons chu dans la matière obscure, où nous restons captifs - mais une lumière demeure, le sourd tourment de l’infini au coeur même du désir, quelque chose nous manque, que nous ne savons pas, qui nous déchire l’âme, et notre destin, dès lors, à travers les embûches du monde, sera de rechercher ce Royaume perdu où renaître enfin.

Le Royaume perdu : que cherchaient-ils d’autre, tous ceux au fil des siècles qui se sont risqués ainsi dans l’« inconnu immense » ? Voici donc quelques-uns de ceux-là, songe-creux, forbans, risque-tout, arpenteurs d’inconnu et escrocs chimériques qui m’ont accompagné dans mes voyages. Il en manque, heureusement : cela veut dire qu’il me reste encore des découvertes à faire. Il en manque, aussi, parce que trop connus : qu’apporteraient deux pages de plus sur eux, quand d’autres, qui les valent, méritent d’être découverts ? Il en manque, bien sûr, parce que moins proches de moi. Face à l’inconnu, il est deux attitudes qui séparent ceux que l’on rassemble sous le seul nom d’explorateur : ceux qui traquent l’inconnu pour tenter de l’éradiquer, comme s’ils lui en voulaient et, à l’instant de s’enfoncer dans l’obscur des forêts, calculent déjà le nombre de stères de bois qu’ils y débiteront, et ceux qui s’y enfoncent dans l’espoir de s’y perdre, en quête d’un « ailleurs » qui ne s’épuiserait pas en un nouvel « ici ». On aura compris que mes inclinations vont vers ces derniers.


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